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Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич



26, 28, 30 октября (7, 9, 11 ноября) 1850. Петербург

Jeudi,26 octobre/7 novembre 1850.

St. Petersbourg.

Ma chere et bonne Madame Viardot, theuerste, liebste, besrte Frau - comment vous portez-vous? Avez-vous dejadebute? Pensez-vous souvent a moi? - Il n'y a pas de jour ou votre cher souvenir ne me revienne cent l'ois a la memoire, pas de nuit ou je ne vous voie en reve.-- Je sens maintenant, dans l'absence, plus que jamais, la force des liens^qui m'attachent a vous et aux votres; je suis heureux de posseder votre affection et bien triste d'etre si eloigne de vous!-- Je prie le ciel de me donner de la patience et de ne pas trop eloigner le moment mille fois beni d'avance, ou je vous reverrai!

Mon travail pour "Le Contemporain" est acheve - et a reussi au-dela de mes esperances.-- C'est encore un recit a ajouter aux "Memoires d'un chasseur" dans lequel je raconte en l'enjolivant un peu, une lutte de deux chanteurs populaires, a laquelle j'ai assiste il y a deux mois1.-- L'enfance de tous les peuples se ressemble et mes chanteurs me faisaient penser a Homere. Je n'y ai plus pense dans la suite - car la plume me serait tombee des mains.-- La lutte se passait dans un cabaret en presence de plusieurs figures originales que j'ai tache de dessiner a la Teniers... peste! quels grands noms je cite a chaque instant!-- C'est que, voyez-vous, nous autres pauvres petits litterateurs de deux sous, nous avons besoin de porter bequilles pour nous aider dans notre marche.-- En un mot, mon recit a plu - et Dieu en soit loue!-- A propos, je suis a la quete d'un musicien pour me noter le golochenie et je vous l'enverrai, des que cela sera fait.

Samedi, 28 octobre.

C'est aujourd'hui le jour do ma naissance - et vous pensez bien que je n'ai pas voulu le laisser passer sans vous tendre les deux mains.-- J'entre aujourd'hui dans ma 32me annee...2 Je me fais vieux!-- Il y a aujourd'hui sept ans que j'ai vu pour la premiere fois votre mari chez le major Komaroff3 - vous rappelez-vous cet etre ridicule?-- Il y aura mardi prochain 7 ans que je suis alle chez vous pour la premiere fois4.-- Eh bien - nous sommes restes amis et bons amis - je pense.-- Il m'est doux de pouvoir vous dire apres 7 ans - que je n'ai rien connu de meilleur au monde que vous - que de vous avoir rencontree sur mon chemin a ete le plus grand bonheur de ma vie - et que le devouement, la reconnaissance et l'attachement que je vous ai voues n'ont pas de bornes et ne finiront qu'avec moi.-- Que Dieu vous benisse mille fois! - Je le lui demande a deux genoux et les mains jointes.-- Vous etes ce qu'il y a de meilleur, de plus noble et de plus sympathique sur cette terre.

Il y a ce soir une grande reunion d'amis chez Tutcheff - pour feter ma naissance et la sienne - il est ne le meme jour que moi.-- C'est un excellent et brave garcon que j'aime de tout mon coeur - ainsi que sa femme.-- A propos, vous n'oublierez pas de vous informer si ce que je vous demandais pour eux est faisable?5 La petite Pauline doit etre en ce moment sur la route de Varsovie a Berlin6.-- J'espere qu'elle arrivera en bonne sante.-- Je n'ai pas grand'chose a ajouter a ce que j'ai deja dit de son caractere; je crois seulement qu'elle est plus educable que je ne le pensais.-- Il parait qu'elle avait deja beaucoup change a son avantage pendant les quinze jours qu'elle est restee chez les Tutchefs.-- Jusqu'a present, je ne me sens pas de grande tendresse pour elle - cela viendra peut-etre plus tard.-- Mais des a present, je suis bien resolu a faire pour elle tout ce qui dependra de moi.

Il faut que je rectifie une des choses que je vous ai ecrites dans ma derniere lettre7: j'ai ete hier matin chez le comte Michel Wielhorski ou j'ai vu Matthieu, et tous les deux m'ont temoigne le plus vif interet pour vous, m'ont accable de questions sur vous, sur Fides8, sur vos intentions, etc. etc.-- J'ai longuement parle de vous et aussi de Gounod, qui peut compter maintenant sur deux amis et deux admirateurs de plus on Russie.-- Le comte Michel m'a prie de le supplier de leur envoyer quelque chose (comme le "Sanctus" ou le "Requiem") qu'ils s'engageraient a executer ici avec tous les moyens immenses qui sont a leur disposition9.-- Dites-en deux mots a Gounod - pourquoi ne le ferait-il pas? Il peut etre sur que tout sera mis en oeuvre pour remplir dignement ses intentions.-- Il me semble qu'il n'y a eu rien de fait en Angleterre - vous m'en aimez parle.-- Petersbourg ne vaut pas Londres, musicalement parlant - et cependant, le public d'ici n'est pas a dedaigner - vous en savez quelque chose...

Lundi, 31 octobre {*}/12 novembre

{* Так в подлиннике.} ie viens de recevoir votre lettre 10, chere et bonne Madame Viardot. Pourquoi faut-il qu'elle m'ait rendu si triste!-- Vos yeux sont malades - vos douleurs nevralgiques a l'oreille sont revenues, pauvre chere amie - pourquoi souffrez-vous?-- Si je pouvais seulement prendre sur moi vos souffrances - avec quel plaisir, avec quel bonheur ne le ferais-je pas!-- J'espere que cette lettre vous trouvera deja en meilleure sante - mais je ne serai tranquille que quand vous me l'annoncerez vous-meme.-- Woyons - tranquillisez-moi bien vite!-- Depuis ce matin, je ne fais que penser a cette cruelle journee ou vous avez tant souffert a Paris... Je ne demanderais pas mieux que de me faire couper la main, si cela pouvait vous soulager - je vous assure, je m'en veux de me bien porter pendant que vous souffrez. Pauvre chere amie, guerissez vite - et hatez-vous de me l'annoncer.-- Ce que vous me dites dans votre lettre de l'accueil que vous a fait l'orchestre, de Mme Ungher - m'aurait fait un plaisir bien plus grand, si vos mauvaises nouvelles ne me l'avaient pas gate.-- Elles m'otent le courage de vous parler d'autre chose. Cependant, je vous dirai que je suis occupe pour le moment a ecrire une comedie en un acte pour une actrice de talent, une Mme Samoiloff11.-- Je n'ai encore vu representer aucune de mes comedies - les representations a benefice se succedent presque sans interruption - ce qui amene une foule de nouvelles pieces - mais une de mes comedies est annoncee pour apres-demain12.-- Je vous parlerai do l'impressitfh qu'elle me fera a moi-meme.-- Une autre comedie en cinq actes que j'avais envoyee ici et que la censure a defendue - a dans ce moment un assez grand succes dans les salons13.-- Je commencerai demain une nouvelle lettre. Le n® 1, en priant le ciel de ne pas aller jusqu'a 50.-- Mais surtout guerissez bien vite, bien vite. Mein Gott, ich mochte mein ganzes Leben als Teppich unter Ihre lieben Fiisse, die ich 1000 mal kusse, breiten. Mille amities a tout le monde - et pour vous Sie wissen dass ich Ihnen ganz und gar angehore {Далее зачеркнуто несколько слов.}. J'embrasse Gounod. Soyez tous heureux et contents.

Votre

J.T.

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