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Полине Виардо - Письма (Июнь 1867 - июнь 1868) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич



4 (16) июня 1868. Берлин

No 2

Berlin,

hôtel de St. Pétersbourg.

Mardi, 16 juin 1868.

Chère Madame Viardot, theuerste Freundinn, me voilà encore ici - contre mon attente - et je ne pars que ce soir. J'ai été retenu par ce diable d'Auerbach, qui doit me faire aujourd'hui lecture de son roman1 (pas tout le roman, grands Dieux!) et me faire faire la connaissance d'un libraire d'ici qui a l'idée de publier une traduction complète de mes machines (en allemand)2. Je n'ai pas eu un instant à moi pendant toute la journée d'hier: Pietsch m'a remarqué comme un bateau à vapeur. J'ai commencé par aller chez lui - il habite maintenant une très belle maison. Berlin est devenu du côté du Thiergarten un vaste assemblage de palais, les uns plus beaux et plus élégants que les autres - par centaines. C'est étourdissant. Toute la famille de Pietsch a poussé comme des asperges: son fils Paul a la tête de plus que moi. Mme Pietsch est plus étrange que jamais - et mon Micawber3 a passé du rose au noir dix fois dans l'espace de la journée. Puis nous sommes allés chez R. Begas qui vient de commencer une statue de jeune femme élevant au-dessus [de] sa tête un enfant avec lequel elle joue - c'est ravissant - un des plus délicieux torses féminins qu'il soit possible de voir. Begas a toujours sa tournure florentine - à la Donatello. Ensuite chez Auer-bach. Ce vieux juif m'a retenu très longtemps, m'a accablé de compliments (et sa femme et sa fille!) - il est faux comme un jeton, rusé, vain, tout cela noyé dans un flot de bonhomie souabe et des phrases sur l'art, etc. à la Gounod - vous savez ce que je veux dire... "Wir, Schriftsteller, haben in den Bleibergwerken der Leidenschaften zu arbeiten" - "dièse Chemie der menschlichen Seele", etc. Didie, comprends-tu cela? Moi, pas du tout. Ou bien cela ne vaut pas la peine d'être compris. Puis chez Julian Schmidt. Celui-là est un bon garèon - loyal et fort - avec une figure de hibou et une tête d'hydrocéphale. Sa femme est aussi une excellente personne. Longue causerie - très intéressante. J'avais écrit le matin une lettre à Graefe pour lui demander une consultation... Il m'avait donné un rendez-vous à 7 heures dans son palais - on ne vit ici que dans des palais... J'ai dû attendre deux heures et un quart et je n'ai été admis en son auguste présence qu'en passant, par faveur, sur le ventre de 50 autres personnes qui encombraient jusqu'à son jardin. Il a trouvé un affaiblissement "der Sehmuskeln", du reste, peu de chose, et m'a conseillé de faire des douches et de porter des lunettes d'une certaine faèon pour écrire et lire. Le bon Pietsch m'attendait à la porte et m'a entraîné - j'avoue que je dormais en marchant - dans un jardin public (le temps était délicieux) - où j'ai de nouveau retrouvé les Begas, Schmidt, Braun, un des chefs du parti national-libéral et patati et patata... A minuit, je tombais comme une masse dans mon lit et j'ai dormi jusqu'à 7 heures du matin comme un sac. Me voici frais et dispos - j'ai encore pas mal de choses à faire - je regrette seulement de ne vous avoir pas dit de m'écrire à tout hasarda l'hôtel de St. P(étersbourg): j'aurais eu une lettre de vous! Ce soir à 11 heures je roule - je vous enverrai un mot de Königsberg demain4 - j'achèverai cette lettre ou plutôt j'y ajouterai un autre feuillet avant de vous l'envoyer.-- Je ne cesse à penser au cher Bade - et à toute la bien-aimée maison du Thiergarten...

3 1/2 h.

Echappé pour un moment des griffes amicales de Pietsch, je me hâte de vous écrire. Auerbach m'a tenu trois grandes heures à me raconter son roman - je crois que cela peut être très beau; l'idée m'a plu, mais c'est l'exécution qui est tout et qui décidera. L'éditeur de mes machines voulait me publier à mes frais: je l'ai envoyé se promener.-- Pietsch m'a mené chez Paul Meyerheim, peintre d'un grand talent (dans le genre de Knaus, mais avec beaucoup plus de vigueur et de vérité) - j'y ai vu de fort belles choses - (un troupeau de chèvres dans une forêt avec un vieux bonhomme de berger surtout). Je suis encore retourné chez Begas et mon impression a été confirmée. Tous les journaux parlent de "L'Ogre"5 et dans l'"Athenaeum" du 6 juin, il y a un article magnifique sur "Fumée"6. Ecrivez à Manuel de vous l'envoyer. J'ai voulu l'acheter au cabinet de lecture - on me l'a refusé... J'aurais dû, peut-être, le voler! Envoyez, s'il vous plaît - sous bande le No du 1-er avril de "La Revue des Deux Mondes" (avec "Yergounof") à l'adresse de Pietsch (Schöneberger Ufer, 34) pour remettre à Julian Schmidt. Vous le trouverez dans la bibliothèque d'en haut, à droite de la porte.

Je vous enverrai demain un petit mot de Königsberg - et vendredi matin une lettre partira de St. Pétersbourg.

Il me semble qu'il y a un siècle que je suis parti et je ne cesse de penser au retour. Portez-vous bien, allez à Munich7, amusez-vous et ne m'oubliez pas. Je vous embrasse tous und küsse 1 000 000 mal Ihre lieben Hände.

Der Ihrige

J. T.

P. S. Ci-joint une photographie du Sultan. Elle manquait à votre galerie.

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