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Луи и Полине Виардо - Письма (1850-1854) - Мемуары и переписка- Тургенев Иван Сергеевич18 (20) сентября 1850. Тургенево Tourguenevo. Ce 18/30 septembre 1850. No 1 Je viens de recevoir la lettre collective que vous m'avez envoyee de Courtavenel1, mes chers amis - et commence par vous demander la permission do vous embrasser tous.-- Il y a longtemps que je n'ai ete aussi vivement attendri - vraiment, vous etes trop bons, tous tant que vous etes et vous me gatez en me disant tant de choses affectueuses.-- Si vous m'aimez, soyez bien surs que je vous adore et que je pense souvent avec emotion a tant de bons et nobles coeurs que j'ai laisses la-bas. Merci pour tout ce que vous me dites, merci pour chacun de vos petits billets, merci pour vos fleurs, merci pour tout!-- Je me jette a votre cou et je vous presse tous contre mon coeur!-- Que le bon Dieu vous benisse mille fois!-- Je suis bien content de vous savoir tous reunis dans le nid commun - et je tache d'amoindrir mes regrets d'etre si loin de vous en m'associ-ant par la pensee a votre bonheur.-- Je vous aime bien - allez! Vous avez donc enfin entendu "Sapho"2, chere et bonne Madame Viardot! Ce que vous m'en dites,-- m'a cause le plus vif plaisir - c'est donc un vrai, un grand maitre que notre ami.-- Mille remerciements pour les details - mon imagination s'est mise a travailler la-dessus.-- Ne pourricz-vous pas m'envoyer la phrase: "Va porter le corps d'une fidele amante" notee - je vous jure qui je ne la chanterai qu'a moi-meme.-- Ah, heureuse femme - je vous porte envie - c'est-a-dire, non - l'envie est un vilain sentiment - je voudrais seulement partager vos jouissances.-- Et ce bon Charles, qui s'excuse de ne m'avoir pas ecrit plus souvent, quand c'est moi qui ai fait le paresseux... Mais dites-lui bien que je l'aime beaucoup et que je pense souvent a lui - je le vois presque toutes les semaines en songe - c'est un grand signe chez moi.-- Je suis deja tout impatient de la premiere representation.-- Voila un role que vous travaillerez avec amour!-- Je vous sens le creant, nuit et jour, a travers ce que vous dites, ce que vous faites, ce que vous ecoutez - je vous ai connue absorbee de la sorte.-- Que votre bonne etoile vous envoie les grandes inspirations et que le feu sacre vienne vous frapper au bon moment!-- Il faut que cela soit plus qu'un triomphe - il faut que cela devienne toute une revelation et que cette nouvelle musique s'inaugure et se fasse connaitre au monde sous les auspices du genie heureux et maitre de lui-meme! - Je vous souhaite tout cela et j'ai le pressentiment que mes souhaits se realiseront.-- Vous me tiendrez au courant de votre travail interieur - n'est-ce pas?-- Songez que toutes mes jouissances musicales sont la - et que tout ce qui n'est pas Gounod en musique - m'est bien indifferent en ce moment. Il y a bientot - que dis-je! il y a plus d'un mois que vous etes a Courtavenel - vous allez le quitter dans une dizaine de jours - nous rentrerons a la ville ensemble.-- Il est 8 heures a ma montre - il est un peu plus de 6 h. chez vous - c'est dimanche aujourd'hui.-- Que faites-vous dans cet instant? Je vous vois a table - vous etes bien nombreux, bien gais - bien bavards... Peut-etre que vous pensez a moi - que vois prononcez mon nom.-- I1 fait beau chez vous. - Moi, je suis dans ma petite chambre, soul, occupe a vous griffonner cette lettre; il fait bien froid dehors; mon frere et sa femme sont alles a Mtsensk pour affaires; ma mere est partie aujourd'hui pour Moscou.-- J'ai ete a la chasse ce matin; j'ai tue trois becasses et un coq de bruyere... (a propos, je regrette fort que Cid ait trompe l'attente de Viardot - mais voyez-vous - il n'y a qu'un chien au monde - et c'est Diane.-- J'ai la tete pleine des "Memoires" de Mme Roland3, que j'ai relus dans mon lit la nuit derniere - et je songe a elle, a Cour-tavenel, a vous surtout - a Sapho, tout en fredonnant - "Merci, Venus, o protectrice!" - Je pense aussi a la petite Pauline - a son voyage - et puis je pense encore a une foule de choses.-- J'ai le coeur gros; les souvenirs s'y pressent en foule, nombreux, lucides - mais rapides; je ne puis en fixer un seul... "Guarda e passa"4. Je me leve de temps en temps; je voudrais bien "aller a Courtavenel" - comme vous le faisiez a Berlin - mais je n'en ai pas le courage. C'est si loin - et {Далее зачеркнуто: le moment de} l'epoque de mon retour si incertaine... Allons, allons, patience - et parlons d'autre chose. Si vous avez du temps de reste, lisez les "Memoires" de Mme Roland.-- Ne vous laissez pas rebuter par sa phraseologie a la Rousseau (ce n'est pas du style, ce n'est pas un talent litteraire qu'il faut chercher en elle - elle n'y pretend pas, quoiqu'il y ait des pages charmantes), mais admirez une grande ame, un grand caractere, place dans une grande epoque, en lutte en elle, et marchant bravement, dignement, noblement jusqu'au bout de sa carriere. Sa derniere lettre a Robespierre (non envoyee) est un chef d'oeuvre5. Je crois vous en avoir parle.-- Il y a la une energie, un dedain calme de la mort, un enthousiasme imperissable et sans emphase qu'on ne saurait assez admirer. Excepte ces memoires, je n'ai lu grand'chose pendant les deux mois que j'ai passes a la campagne.-- Je n'ai pas eu non plus le temps de travailler beaucoup, quoique j'en eusse eu grande envie. Une fois a Petersbourg et case pour tout l'hiver dans une petite chambre quelconque, je vais abattre de la besogne.-- J'ai l'intention de sortir peu; je ne crois pas meme que j'irai souvent entendre chanter les Italiens. Ils ne feraient que reveiller en moi des souvenire - et puis, je le repete, la musique de Goimed "a'a absorbe. Vous voyez que j'ai numerote cette lettre.-- Je vais Continuer comme cela6. Dites a maman Garcia qu'il m'a ete materiellement impossible d'aller la voir a Bruxelles7; je ne pouvais disposer que d'une heure... Dites-lui en meme temps que je lui suis sincerement attache, que j'espere qu'elle a un peu d'affection pour moi et que <je> lui baise les mains avec un respect filial.-- Je crains bien que mon espagnol ne s'en aille par bribes et morceaux; cependant j'ai parfaitement compris sa lettre. Et le marinera espagnol8 - pourquoi ne m'a-t-il pas mis un petit mot? Je l'aime bien aussi et sa femme - et tous - tous. Je me rappelle que vous m'avez demande dans une de vos lettres si la jeune fille qu'eleve ma mere9 est une honnete personne ou une intrigante? Elle n'est ni intrigante, ni honnete; pas bete, pas mechante, mais insignifiante, gatee, des manieres detestables; une espece de giisette minaudiere, paresseuse et vulgaire. Elle ne reve qu'a etre mariee bien vite. Que Dieu lui fasse cette grace et qu'elle soit heureuse a sa facon! Ma mere s'est beaucoup refroidie envers elle - cependant je crois qu'elle lui a fait, comma on dit, un sort - tant mieux! Voulez-vous savoir le nom de l'ancienne flamme, dont je vous parlais il y a trois semaines?-- Elle se nomme Louise Chenchine. Un drole de nom, n'est-ce-pas? Dans le genre de Philosophoff10. Je vous dis cela, pour qu'il n'y ait rien au monde que vous ignoriez sur mon compte.-- Et puisque nous en sommes, a ce chapitre, je vais voiis dire en deux mots mon affaire avec la mere de la petite11.-- J'etais jeune... il y a 9 ans - je m'ennuyais a la campagne, j'avisai une assez jolie couturiere que ma mere avait prise a son service - je lui dis deux mots - on vint me rendre visite - je payais - je partis - et puis voila tout - comme dans l'histoire du loup. Dans la suite - cette personne devint ce qu'elle put - vous savez le reste.-- Tout ce que je puis faire pour elle - c'est d'ameliorer sa position materielle - c'est un devoir pour moi - et je l'accomplirai - mais il me serait impossible seulement do la revoir.-- Vous etes un ange dans tout ce que vous dites et dans tout ce que vous pensez - mais - je le repete, je ne puis que la defendre de la misere. Et c'est ce que je ferai. Pour la petite il faut qu'elle oublie sa mere completement.-- Mais je vous parlerai encore de tout cela. Mon Dieu - que vous etes bon<ne> - et que cela fait bien de se confesser a vous!-- Je vous prie de me donner vos cheres et nobles mains, pour que je les embrasse avec devotion. J'ai commence ma lettre en vous embrassant, je la finirai de meme. Venez tous, mes chers et bons amis - que je vous embrasse de toutes mes forces.-- Mme Gounod, vous avez ete bien bonne de m'ecrire12 - et je me mets a vos pieds pour vous en remercier. Adieu, mes chers, mes bons; soyez heureux et benis. Et vous, Madame, que tout ce qu'il y a de bon au monde soit a vous. Je vous embrasse les mains bien tendrement et je reste votre J. T. Tausend Dank fur die lieben Nagel; ich schicke etwas von meinem Haar. Ich bitte uni ein Blumenblatt, unter dem Fusse getragen.-- Ich kusse die lieben theueren Fusse. P. S. Je vous envoie cette lettre a la rue de Douai; j'en ai envoye une autre a V.<iardot> il y a quelques jours13. |
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